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La mélodie du fer éthéré |Skaldr

Arkyn Sar'EdhaChampion de la Création
Arkyn Sar'Edha

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5 Mars de l'an 6
Campagne de Valstad

Valstad était un nom étranger, aux résonances barbares et superstitieuses. Une infantile apparition tout juste invoquée du tréfond de son ignorance et qui peinait encore à trouver une forme seyante. Un royaume humain, altrois, aux confins du Cor Dei, bordé par une terre de foi et l’immensité inconnue que gardait diligemment la grande Gloire. Un royaume d’obscurantisme, était-il narré, où les affins du grand art ne trouvait nul salut. Un royaume où la peur régnait, maîtresse sans partage, écrasant la minorité sous son talon d’acier.

Mais pour l’Alfe, c’était là le lot de tous les altrois, rien moins qu’une prégnante évidence empreinte de tragédie. Cette race inférieure était sans doute la plus clivante, en ses turpitudes et ses choix controversés. En dépit de son mépris, ou peut-être en raison de ce mépris, l’humanité était une race que les héritiers divins se devaient de protéger, de guider et d’éduquer, tant bien que mal et à la mesure de leurs capacités. De cela, il était convaincu, désormais. Aussi, nonobstant son inconfort, et encouragé par son réceptacle, Arkyn Sar’Edha fit le choix de se déplacer.

Sous les traits juvéniles du jeune prince de Serrès, toujours conscient malgré sa possession, le Sphinx parvint à convaincre son entourage impérial d’effectuer une visite de courtoisie à la couronne de Valstad, sous couvert de rapprochement diplomatique. Il s’agissait là, bien évidemment, d’une suggestion de son jeune réceptacle, déjà fort sensible aux rigueurs de la politique, évoquant chez lui un sincère sentiment d’appréciation. Et qui relevait, envers un altrois, d’une exceptionnelle distinction.

Ce fut également sous les traits du prince qu’il interrogea les figures autoritaires du royaume de l’est lointain, cherchant à en savoir davantage sur la menace si sommairement évoquée. Un spectre, semblait-il, une créature éthérée mais malveillante qui parcourait la campagne en tuant, provoquant l’effrois. La couronne désirait sa disparition, et tout Alfe qu’il était, bien qu’incognito, il agréait, n’ayant jamais formulé la moindre affection envers ces affronts à l’ordre naturel du monde autant qu’aux dieux de lumière.

Et, bien que leur décision fut source d’alarme pour leur hôte, ils voyagèrent d’un commun accord jusqu’à la région où sévissait alors la calamité. Complainte d’acier, l’appelait-on sur leur passage, héraut de la nuit, chuchotaient certains, mortelle mélopée sussurait-on au détour d’un village boueux. Plus ils s’enfonçaient dans le coeur agreste du royaume et plus ses Aethermentés, sous couverts de défroques humaines, s’inquiétaient de leur persistance, sans oser leur opposer un refus ferme et scellé.

Il était fils du saint des saints, prétendant à la couronne de lumière, sa volonté était donc loi par la grâce des Nordeyns. Arkyn lui-même, cependant, ne cessait de se questionner sur la meilleure façon de procéder. Lors de la grande guerre, il avait disposé des titans pour écraser ses adversaires, mais à présent il devait se montrer plus inventif. Leurs longues chevauchées silencieuses étaient, en vérité, fructueusement consommées dans l’intimité de leur esprit commun afin de créer un plan efficace en vue de cette rencontre.

Lorsqu’ils approchèrent du village le plus récemment éploré, le trio prit grand soin de renforcer leur vigilance, leurs sens grands ouverts, à l'affût des émanations telluriques du spectre.
Skaldr VordtHéraut de la Nuit
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La crasse s'employait à recouvrir les verdoyantes collines de mon royaume. La guerre qui avait opposé vivants et morts auraient du les ouvrir à ma chanson. Au lieu de quoi les vers avaient préférés se crever les yeux, s'enfoncer profondément les doigts dans les oreilles. Comment pouvaient-ils continuer de refuser de voir que les élus marchaient dans leurs rangs ? Ne pouvaient-ils pas comprendre que ces derniers avaient incarné leur salut dans la lutte contre la peste immonde qui avait voulu ravager leur monde ? Ils s'étaient à nouveau couvert le visage de boue, et avaient recommencé à trembler dans leurs bottes. Quelle pitoyable mémoire les affligeait... Je levai mon crâne spectral en direction des nuages nocturnes. L'heure n'était pas aux pluies. Les derniers rayons du soleil rougeoyaient derrière l'horizon boisé, projetant de longues stries écarlates sur la lande. Comme autant de balafres sanguinolentes.
Le village, désert, était englué dans la peur. Je laissai courir mon regard fumant sur un vieil arbre, qui se dressait en lisière de l'entrée du hameau. Un hêtre plusieurs fois centenaire, dont les basses branches ployaient sous le poids des péchés des monstres qui se terraient entre ses racines. Jadis, le vieillard végétal avait fait la fierté de ses premiers adorateurs - au point qu'ils se nomment en son honneur. Aujourd'hui il n'était plus que le témoin impuissant des turpitudes des habitants de Sous-l'Hêtre. Je revoyais encore la corde se balancer doucement, à peine lestée, dans la brise nocturne. Mais rapidement, les preuves et le corps avaient disparu. Ils avaient cru qu'en camouflant les restes de leurs méfaits ma colère serait apaisée - leur lâcheté n'avait fait qu'attiser ma haine. Leurs visages étaient imprimés dans ma mémoire, comme si la cérémonie sacrificielle avait eu lieu hier... Le temps s'écoulait bien étrangement lorsque l'on était mort. Etait-ce il y a un mois ou une semaine qu'ils avaient pendu ce pauvre enfant ?

Je traversai le bois vermoulu de la bicoque du forgeron du village. Sa voix mourut dans sa gorge lorsqu'il me vit. Dans ses yeux dansait une terreur viscérale... Et délicieuse. Je m'approchai doucement de ma victime, pétrifiée. Alors que je n'étais plus qu'à quelques pouces de lui, il parvint enfin à se ressaisir et se jetai sur le coté pour s'emparer d'un tisonnier. Armé de toute sa peur, il frappa aveuglément ma pauvre silhouette. Avec une lenteur délibérée, je lui plongeai mon acier dans la gorge, savourant chaque once de chair que je déchirai ainsi. Ses yeux s'écarquillèrent et ses lèvres tressautèrent frénétiquement tandis que la panique s'emparait de son être. Son âme égorgée, je le regardai suffoquer avec délice.

Lorsque je quittai la masure, la nuit finissait d'effacer les sanguines tâches de l'astre solaire. Un son familier vint troubler le silence pesant qui avait élu domicile à Sous-l'Hêtre. Des sabots claquaient contre les vieilles pierres d'une route aujourd'hui à moitié disparue sous la boue et la mousse. J'hésitai un court instant à disparaître dans les méandres de la lande... Mais ce village était ma mission sacrée - pour encore quelques temps du moins. Tant de vermine à éliminer encore avant de le purger de la lie qui entachait les existences des humains qui y vivaient. Je trainai mes bottes calcinées jusqu'à l'entrée du village. J'entendis mes dents grincer d'elle même dans l'air frais de cette nuit sans pluie. Elles brulaient d'envie de laisser échapper leur sinistre mélopée.
Je toisai du regard les trois cavaliers qui approchai de mon royaume.

- "Envoyés des vers, marchez-vous dans la lumière ?" Entonnai-je simplement.







Arkyn Sar'EdhaChampion de la Création
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Sans coup férir, les flux telluriques, bien que minces, ondoyèrent comme un mirage du Bois-Myre, lorsque la créature parut. Repoussante dans son fiel éthéré, elle lui provoqua une grimace de dégoût qu'il ne chercha nullement à dissimuler, alors qu'un frémissement de répugnance secouait son échine roidie par la vision. Les morts-vivants étaient des êtres hérétiques dépourvus de place dans le cycle de la vie et de la mort, et s'il s'agissait d'une notion abstraite lorsqu'elle était discutée loin des campagnes Acadiennes, elle devenait viscérale lorsque venait le temps de la confrontation. Ces choses terribles avaient contraint son peuple à quitter leurs citadelles immaculées et à mourir dans la fange comme de vulgaires humains.

Sa main gantée se crispa sur ses rênes, ses lèvres se pincèrent jusqu'à l’exsangue et il expira un souffle lent et retenu, précautionneux. Leurs montures piaffaient, sans doute apeurées par cette présence d'outre-tombe. Elles piétinaient le sol meuble et spongieux de leurs sabots impatients, appelant à la fuite. Seules les compétences de leurs réceptacles humains les retenaient en ces lieux tandis que la silhouette translucide s'approchait, émanant une froide lueur bleutée. L'être impalpable semblait uni à une vieille armure à la laideur proverbiale, comme un carcan, ou un cocon. Sans doute lui faudrait-il l'en détacher. Était-ce seulement possible ? Il sentit le guerrier à sa gauche esquisser un geste encore incertain, alors que l'air s'emplissait d'une voix désincarnée.

« … Il commence à faire nuit »

Les Aethermentés s'alarmèrent de cette réponse à la criante sincérité. Et lui-même s'alarmait qu'on lui mentionne une inexistante lumière. Le coucher de soleil agonisait loin au-dessus d'eux, les doigts de l'onde nocturne caressait la voûte avec une mélancolie brisée par la glaciale terreur de ce petit village perdu au milieu des collines humides, tragiques de pauvreté. Un instant, l'Alfe sentit la conscience de son hôte s'agiter, ses pensées faisant écho en leurs esprits joints. Et si cela indiquait que ce mort-vivant était prêt à être sauvé ? Après tout, n'était-il pas dit que la mort se paraît d'une blanche lumière ? Arkyn lui-même, cependant, était confondu du discourt tenu. Marcher dans la lumière ? Mais laquelle ? Est-ce qu'il voyait des flux telluriques ?

« Vous savez que les vers ne parlent pas, n'est-ce pas ? »

Son hôte eut un rire, ses gardes s'alarmèrent plus encore. Le Sphinx détestait les morts-vivants, certes, mais il était aussi une créature à l'esprit direct, qui s’accommodait peu de traits d'esprits et s'en trouvait perturbé lorsqu'il ne s'agissait pas d'un exercice artistique commandé. Pendant un bref instant, il lui fallut débattre avec l'humain. Le spectre n'attaquait pas, en tout cas pas encore, et ils ne voyaient aucun villageois. La mort s'était-elle d'ors et déjà emparée de ces lieux ? Ils ne pouvaient le vérifier pour le moment, pas avec la créature leur barrant le passage. Il faudrait s'occuper d'elle avant de s'occuper du village. Lentement, grâce à son hôte, il fit avancer sa monture de quelques pas face au spectre, étudia de nouveau sa composition avant de rompre le silence de sa voix.

« Vous terrorisez les humains de cette région, esprit. Et vous tuez beaucoup trop. Il est de mon devoir de leur venir en aide »

Un écho interne lui arracha un nouveau soupire, mais il accepta concéder au jeune humain.

« Quelle est la raison de votre colère ? »
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Sur les trois cavalier, seul un s'avérait digne d'intérêt. Terriblement calme, ma présence ne lui semblait nullement effrayante, ni même surprenante. Il savait ce que j'étais, était venu en connaissance de cause et y était préparé. S'il se prenait pour un chasseur, il allait bien vite réaliser qu'il n'était guère plus qu'une proie. Un gibier au goût infect, tout juste bon pour nourrir la terre. Mes dents s'entrechoquèrent avec haine tandis que mon fer fut parcouru d'un frémissement d'excitation. D'ordinaire, le juste massacre des vers ne me procurait aucun plaisir... Mais avec le temps, les banales tueries finissaient par se draper d'un ennui teinté de déception. Une écrasante fatalité. Etait-il seulement possible de purger cette terre de sa crasse ?
Que penser d'un être qui voudrait m'en empêcher, sinon qu'il relève de la pire espèce qui soit ? Ces putrides rats obèses qui se baffrent d'asticots grouillants en pataugeant dans leurs déjections. Ma colère était plus glaciale qu'un vent d'hiver quand je brandis ma lame en direction du téméraire, stupide, humain qui s'approchait.

- "Ceux qui me craignent ne mérite pas de vivre." Crachai-je au visage de mon curieux interlocuteur. "Si c'est leur salut que vous souhaitez, tournez-donc les talons et laissez-moi à mon œuvre. La boue ne cesse de se propager ces derniers temps... Une véritable épidémie. Un terreau formidable pour les vers qui festoient."

Je laissai ma menace planer quelques secondes en l'air, ignorant délibérément la dernière question. Qu'ils me tournent le dos, que je puisse plonger mon acier dans leurs nuques délicates... Mes molaires grincèrent, comme affamées. Alors, je fus brutalement giflé par une épiphanie. L'être qui me faisait me face ne s'était pas inclus lorsqu'il avait désigné les humains... Je laissai retomber mon bras d'épée et fis un pas en arrière. Un devoir... De quel devoir parlait-il ? Un doute insidieux vint planter ses crochets dans mon esprit engourdi.
Se pourrait-il que se tienne devant moi l'une de ces méprisables divinités qui avaient abandonné les vers à leur triste sort lorsque la mort avait déferlé ? L'hésitation vint se mêler à la colère qui mugissait en moi, rapidement rejoint par une bourrasque de mépris. Quelques bribes du passé remontèrent en moi. Des fragments de souvenirs vieux de plusieurs milliers d'années, alors que je n'étais qu'un jeune asticot impatient à l'idée de traquer hérétiques et criminels. Un jeune asticot bercé de fables religieuses et de faux versets. La magie des dieux Nordeyns leur permettait aisément de se fondre parmi les humains qu'ils avaient indirectement créés. Ils s'étaient toujours présentés comme étant les véritables gardiens de ce monde.
Et puis, quelle créature oserait traquer un être tel que moi, sinon une divinité ?

- "Ma colère est juste. Je pense qu'il s'agit d'une notion que vous êtes capables d'appréhender. La justice. Pour ce qui est de l'appliquer en revanche... Heureusement qu'il existe des êtres tels que moi. La raison de ma colère ? Interrogez donc ce vieil arbre à l'échine tordue."

Je m'étais tourné en direction du misérable hêtre complice des crimes de ses protégés. Mes orbites fumaient intensément quand j'arrachai une flèche noire à mon armure, pour la projeter quelques pas derrière le vénérable tronc. Le fer s'enfonça dans la glaise meuble, entre deux buissons épineux.

- "Agenouillez-vous dans la terre et creusez," ordonnai-je d'un ton inquisiteur. "Pour une fois, ne craignez pas de plonger vos mains dans la crasse. Demandez-donc à la pauvre enfant qui y repose. Elle, et des centaines d'autres, sont les victimes de la véritable terreur qui gangrène ces terres. Je ne suis pas la maladie, j'en suis le remède."

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La mire était constante, en dépit de sa lueur tourmentée. La bonté du jeune prince luttait pied à pied avec la profonde et viscérale répulsion qu’évoquait le non-mort à l’héritier divin. L’instinct premier lui grondait l’extermination de cette chose, pas même un être, et pourtant, il retenait sa main en cette attentive observation de réactions étrangères. L’air ambiant était humide d’une haine piquante et inattendue. La haine était un sentiment, appartenant aux vivants, pas aux immondices accouchés par la nécromancie.

Impavide, Arkyn laissa la voix sépulcrale ondoyer et s’échouer sur lui comme les vagues successives d’un océan funèbre. Et lorsque le silence caverneux vint à défier leurs présences pour reprendre ses droits, il le lui réfuta d’un ton qui se voulait calme.

Je dois avouer ne pas comprendre toutes vos paroles. Mais une chose est claire, vous n’avez pas l’autorité pour décider qui vit ou meurt. Surtout pas vous, un mort-vivant, hérésie du cycle naturel décidé par les dieux

Et de cela, il était certain. Lui qui ne vivait ni ne mourrait, comment aurait-il pu soupeser la valeur d’autrui. Lui qui résultait d’une violation de tout ce qui était de grâce divine, comment espérait-il pouvoir arguer justice.

Au-delà de cette vérité, néanmoins, cette chose qui n’aurait jamais dû être lui infligeait une pernicieuse rhétorique. En lui, le prince lui narrait l’histoire de cette région percluse de ses peurs et de ses superstitions, et les crimes commis au nom de cette peur. Il n’approuvait pas.

Ces humains ont peur des arts magiques” fit-il, d’une voix au timbre lent d’une pensée en formation “Car ils furent victimes de celle-ci lorsque les vampires surgirent

De nouveau, il fit avancer son cheval. Lentement. Stoïquement. Bien qu’il exècre cette chose, il aurait été hérétique que de réfuter l’inconstance de l’essence de la justice. Bien qu’il ne fusse nullement maître de la doctrine, il savait au moins qu’il existait des différences, et qu’elles étaient parfois fort étranges.

Et aujourd’hui, une créature issue de la magie nécromantique s’en prend à nouveau à eux. Pensez-vous qu’ils arrêteront de persécuter les mages, quand tout en vous leur rappelle que des mages sont les responsables de leurs tourments ?

La mire, enfin, se détourna, pour s’accrocher à l’hêtre. L’art magique était complexe, parfois nébuleux aussi n’était-il pas si surprenant que les humains peinent à l’appréhender, et n’en usent qu’à de mauvaises fins. Mais cela venait également de leur manque de tutorat. Et c’était ce qu’il comptait changer.

Des humains ont usé des arts magiques pour créer des abominations, et pour nuir à leur propre race. Pour eux, l’arcane est un simple outil de plus pour remplir la vacuité de leurs cœurs. Et parce que certains de ces humains usent de magie contre les leurs, le reste de ce royaume a conclu que la magie était à l'origine de leur mal. Ce n’est pas tout à fait exact. Les humains sont des enfants qui ont besoin de leurs parents. Jamais ils n’auraient dû fuir. Ils ont besoin d’être éduqués. La peur, esseulée, est une illusion d’éducation, spectre. Ils ont besoin d’une autorité réelle, pour les aider à progresser

Il pencha légèrement la tête alors que les ailes de son nez d’emprunt frémissaient sous l’odeur ambiante, aussi repoussante que la présence lugubre devant lui.

Êtes-vous l’une des victimes de cette absence ?
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Une victime ? Mes dents s'entrechoquèrent avec fracas tandis que les pièces calcinées de mon armure cliquetèrent bruyamment en un rire discordant. Mes fumerolles faciales s'étoffèrent brusquement pour s'entortiller, hilares, au-dessus de mon crâne éthéré.

- "Je ne suis pas une victime. Pas plus que je ne suis juge ou bourreau. Je suis le martyr devenu guide. Ces vers que vous osez nommer humains m'ont donné naissance. Fécondés par la peur et la cécité. Étalés, englués, dans la boue, ils accouchèrent dans la haine et la peur la plus totale. Ils ont engendré leur sauveur - qu'ils abreuvèrent aussitôt d'un nouveau torrent aveugle de terreur et de dégout. Les paupières closes, ils sont incapables de réaliser que j'apporte la lumière de leur salut... J'ai tous les droits sur les habitants de cette fange odieuse qu'est cette contrée. Quant aux dieux que vous invoquez, puissent-ils tous s'étouffer dans le sommeil dans lequel ils se complaisent depuis toujours."

La conversation s'avérait bien plus intéressante que prévu. Le noble défenseur des vermines, dans toute sa naïveté aveuglante, incarnait parfaitement le béat cliché Nordeyn dont on me gava des millénaires plus tôt. Pathétique espoir que de croire que les humains ont besoin d'être guidés par des êtres tout aussi aveugles et intolérants. La passivité ne peut qu'engendrer l'apathie.
Et l'apathie nourrit si bien les peurs les plus absurdes et les complaisances les plus méprisables.

- "Je ne suis issu d'aucune magie. Je suis directement né de leurs péchés lorsqu'une poignée de vers stupide décidèrent de sacrifier le seul d'entre eux qui avait appris à ouvrir les yeux. Suspendu par les pieds et brulé jusqu'à ce que mon pauvre cou ne cède face au poids de ma culpabilité. Mon acier est souillé du sang des élus que j'ai traqué des décennies durant. Jusqu'à ce qu'une femme, touchée par la grâce des arcanes, me baigne de sa douce complainte. Je fus alors balayé par un chant si puissant, si pur, qu'il annihila toute la crasse qui recouvrait mon âme. Je porte aujourd'hui sa voix au travers de ce royaume boueux, et je ne laisserais aucun être se mettre en travers de ma noble mission."

Je laissai la menace planer dans l'air, comme portée par les brumes qui commençaient à poindre dans le crépuscule mourant. Elle n'avait pas encore atteint les basses branches du vieil arbre aux pendus que je reprenais à nouveau ma tirade enflammée, les orbites étincelantes d'une ferveur de damné. J'avais consenti à laisser une dernière chance à l'esprit, inférieur, étriqué, de mon illustre interlocuteur. Peut-être saurait-il entendre la pureté de mon chant.
Peut-être avec quelques notes plus accessibles, quelques accords plus crus et directs...

- "Oui, les vers se tortillent dans la peur des arts magiques. Que la race vampirique soit la cause d'un tel effroi ne change rien à la gravité de leurs crimes. A quelques pas de-là gise, sous la terre, la carcasse mutilée d'une enfant. Lorsque les balbutiements de sa magie naissante écorchèrent les oreilles des humains de Sous-l'Hêtre, ils furent nombreux à vouloir éradiquer le mal qui gangrenait le peur de la petite qu'ils avaient vu naître et grandir. A l'aide d'une branche et d'une corde, ils eurent tôt fait de faire taire les chuchotements occultes. Oui, nombreux étaient ces êtres vils et immondes et "humains". Leurs âmes irrémédiablement encrassées de haine. Mais bientôt ce hameau sera libéré de cette sinistre corruption."

Je me tournai vers la demeure du forgeron que j'avais tué quelques instants plus tôt. Ils n'étaient plus très nombreux ici. Une poignée de vermisseaux à broyer tout au plus.

- "Les survivants qui refusèrent de prendre part au péché de leurs pairs pourront librement marcher dans la lumière en fredonnant ma chanson. Je suis l'autorité réelle de Valstad." Assénai-je avec ardeur, tirant un malin plaisir à reprendre les mots du dieu déguisé. "Je suis leur martyr et leur sauveur. Bientôt c'est une symphonie qui règnera sur ces terres, sous la juste houlette des Élus de la Magie."





Arkyn Sar'EdhaChampion de la Création
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Voilà qui était curieux, car il aurait juré, au comportement du spectre, qu’il était l’une des victimes de la peur en Valstad. Ce qui était plus curieux encore, cependant, était la façon dont il soulignait son assurance là où il ne citait qu’une simple vérité physiologique. Les créatures peuplant ces terres étaient des humains. Ce non-mort était des plus curieux, sa logique semblant ne correspondre à rien de ce qu’il avait jamais vu. Il ne le comprenait pas, et ne parvenait pas à le cerner, rendant cet échange des plus complexe.

Spectre. Un non-mort tel que vous ne naît pas de simples sentiments, ou de l’action de simples mortels. Lorsqu’une créature vivante trépasse, elle traverse la porte des morts vers l’au-delà, c’est le cycle naturel. Un non-mort est une âme qui ne traverse pas, et cela est une hérésie, un acte non-naturel. La magie est la seule chose qui puisse violer les lois de la nature. Vous êtes donc naît de la magie

Il s’agissait d’ailleurs d’une forme de violation interdite, une insulte au monde lui-même. Les écrits d’ætla étaient fort clairs à ce sujet, la nécromancie était un acte interdit et maléfique dans sa forme la plus pure. Les nécromants étaient jugés et exécutés, tout du moins jusqu’à ce que son père, à présent décédé, en nomme un comme prétendant au trône. Il exécrait l’idée même de ce choix, ne le comprenant pas le moins du monde. Il s’agissait d’une insulte à la lumière, à la vie et à tout ce que ce monde renfermait.

Vous êtes une aberration, un concentré de l'antithèse de la nature et de la vie. Et tout ceci est le fait de mages. Des Nocturnes, puis des Humains. Au travers de vous, ce sont des mages qui qui violent le monde, et qui terrorisent ces contrées. Les Humains de ces terres savent cela. Ils ne verront pas plus que cela en vous, car pour l’heure il n’y a rien de plus

Stoïque, il ne bougeait plus et l’observait cette fixité caractéristique. Plus le temps s’égrenait et plus sa certitude s’ancrait : il ne pourrait pas accorder son souhait au prince. Et celui-ci le sentait, aussi sûrement qu’en son propre cœur. Cette chose était trop profondément corrompue. Inspirant profondément, pourtant, et par pure bonne volonté, l’Alfe décida d’effectuer une nouvelle tentative. Sa voie était scellée depuis son élection comme champion, et s’il devait un jour porter la couronne de lumière, il ne pouvait abandonner aussi facilement devant une épreuve.

Vous n’êtes pas une autorité. Une autorité dirige, protège, guide. Une autorité éduque, fermement mais avec constance et équilibre, en respectant la nature. Vous êtes une âme déformée et emplie de sentiments négatifs. Si vous avez réellement le souhait d’aider les pratiquants des arts magiques, vous devez rentrer dans le cycle, et trouver un équilibre. Autrement vous ne serez jamais rien de plus qu’une menace à éliminer

Avait-il la moindre chance de percer au travers du voile de corruption de l’âme ? Il aurait préféré que Triniel soit présente, car jusqu’à présent il ne parvenait pas à user de ses dons de psychopompe correctement. Cette situation était sans aucun doute une épreuve de plus à son égard, un moyen de tester sa détermination et ses convictions mais il aurait sans aucun doute préféré ne pas subir une épreuve aussi sévère aussi rapidement. Les voies et souhaits des dieux étaient impénétrables, il ne pouvait qu’obéir et faire de son mieux.

Vous devez comprendre. Plus vous poursuivez sur cette voie hérétique et plus vous pousserez les Humains à haïr ceux qui manient l’énergie qui vous habite. Votre violence, votre haine, sont le miroir de celles des individus que vous accusez et traquez. Et rien de positif n’en sortira

De nouveau, il attendit quelques instants, guettant de possibles réactions de la part du spectre, avant de reprendre. Cette fois, il ne s’agissait pas d’une suggestion du prince, mais bien d’une décision personnelle, car il s’agissait d’une épreuve personnelle avant tout. Il devait trouver ses mots, il devait trouver un chemin qui le mènerait vers le cœur de cette créature. N’était-ce pas là ce que la lumière se devait de faire ? Ce spectre était à l’image de ce qui se passait de par le monde et il voulait parvenir à sortir de son carcan pour aider le don des dieux.

Je devrais simplement vous détruire. C’est ainsi que les abominations doivent être traitées selon les écrits, vous êtes une insulte à ce monde. Et pourtant, malgré ma haine et ma certitude que vous n’êtes pas capable de quoi que ce soit de constructif, je vous parle, et vous offre une chance de me prouver le contraire. Pensez-vous que j’ai tort de vous laisser cette chance Spectre ?

Il descendit de cheval, un peu gauchement, et d’une formule courte et chantante, fit apparaître les marques de lumière sur le corps de son hôte, prouvant son statut de réceptacle. Les tatouages de lumière chassèrent l’obscurité alentour, la tristesse et la peur alentour. Ils scintillèrent un bref instant, avant de disparaître. Le corps de l’humain frissonna du froid alentour avant de retrouver son stoïcisme. D’un geste de la main, il retint les cavaliers l’accompagnant, et porta de nouveau son regard sur le non-mort.

Je suis un Alfe, Spectre. Un enfant des dieux. Bientôt, je porterais peut-être la couronne de mon peuple, et son destin entre mes mains. Mon peuple pense que les Humains sont des êtres inférieurs qui ne devraient bénéficier d’aucune merci, d’aucune douceur. Mon peuple pense que les Non-Morts sont des créatures corrompues, destructrices, hérétiques et jusqu’à présent rien n’a prouvé le contraire. Et pourtant, je suis encore entrain de vous parler. Je travaille de concert avec un humain, mon hôte, afin d’aider son peuple

Hochant la tête, il acheva :

Je mets ce dont je suis pourtant certain de côté afin de vous voir autrement. Pensez-vous pouvoir faire de même avec eux?
Skaldr VordtHéraut de la Nuit
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Les insultes pleuvaient sur moi sans discontinuer. Incapables d'éteindre l'incendie qui faisait rage en mon cœur, elles s'évaporaient à mon contact éthéré. J'étais l'aberration qu'il décrivait, engendrée par les fautes du misérable peuple qui fut jadis le mien.

- "Je ne suis pas la violation, mais le fuit pourri de ce même viol." Ricanai-je avec hargne. "Les humains de ces terres ne savent absolument rien. Ils sont continuellement bercés des mêmes mensonges immémoriaux, transmis de générations en générations. J'ai longtemps eu l'espoir d'ouvrir leurs yeux à tous, mais la boue colle leurs paupières. Il me semble plus simple en réalité d'éradiquer la cécité de cette terre."

Mon interlocuteur était devenu plus immobile qu'une statue, tandis que la haine animait son regard et le dégoût suintait du moindre de ses mots. Et pourtant, comme soumis à un farouche combat intérieur, il faisait montre d'une patience aussi remarquable qu'incompréhensible. De quel droit ce dieu absent se permettait-il de donner des leçons de gouvernance à l'encontre des créatures qu'il avait lui même abandonné à la fange ?
Les flammes rugirent en moi.

- "Les vers sont des êtres pathétiques, capables seulement de vivre dans la peur. Ils naissent en tremblant, sont forgés par leurs craintes, massacrent et meurent en leur nom. Pire, leur esprit est malade, incapable de distinguer la pureté de la souillure. Égarés, ils ont été trompé par de mauvais parents."

L'impudent être divin était passé de l'insulte à la condescendance. Pensait-il réellement pouvoir me détruire ? Etait-il lui même aveugle au point de refuser de voir que j'étais le salut de ce royaume ? Ultime insulte, suprême marque de son mépris, il descendit de sa monture, comme pour me défier. L'instant suivant sa peau se couvrait de tatouages tissés de lumière pure. L'on aurait dit qu'un soleil, magnifique et cruel à la fois, venait de s'abîmer dans la boue. La vague lumineuse s'écrasa contre mon torse bardé de fer, et je ne parvins pas à réprimer un léger tressaillement. Face à moi ne se tenait pas un dieu, mais un simple mortel qui avait pris possession d'un corps de ver... Et pourtant il était drapé de l'aplomb imperturbable de quelque souverain divin.
Mon brasier intérieur se refroidit plus encore, ses flammes glacées hérissées comme autant d'aiguilles.

"Un Alfe... Votre peuple a engendré l'humanité pour l'abandonner. Votre présence en ces lieux boueux sonne comme une farce hideuse..."

Je marquai une courte pause pour le gifler de tout le dédain dont j'étais capable, avant de reprendre dans un souffle glacial :

- Voyez moi donc comme une force destructrice, car tel est effectivement l'empreinte que j'imprime sur ce monde. Je n'aspire qu'à trancher les racines viciées qui empoisonnent la terre afin de lui permettre la renaissance qu'elle mérite. Je vois les humains tels qu'ils sont... et tels que vous les voyez. Des créatures imparfaites, inférieures, pétries de mensonges et d'instincts néfastes. Leur essence même est l'angoisse. Alors je suis devenu la terreur légitime. Je souhaite que leur monde frémisse à mon évocation, que toutes leurs peur se concentrent sur l'abomination unique que j'incarne. Qu'ils embrassent la Magie dans l'espoir de me détruire. Je fus, suis et serais leur Martyr."

La raison même de mon existence.
Je passai une langue spectrale sur mes dents et fis quelques pas en direction du lâche qui se terrait dans une carcasse humaine.

- " Notre regard est le même, mais nos actes s'opposent. Dites-moi donc, prince des créateurs ratés, enfant des dieux absents, comment imaginez-vous guider ce peuple de vermisseaux ? Éclairez-moi donc de vos augustes lueurs," ajoutai-je avec sarcasme.

Ma soif de meurtre s'était éteinte avec la réalisation de la non-humanité de mon interlocuteur. Remplacée par un désir dévorant d'humilier ce messager divin, d'écraser sa pensée sous mon pied d'acier.

De le convertir à mon chant glorieux.

Arkyn Sar'EdhaChampion de la Création
Arkyn Sar'Edha

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Cette fois, il ne put s'empêcher de se fendre d’un sourire, imprégné de l’absolu de sa ferveur. La foi palpitant dans chaque fibre de son être, même au travers de son réceptacle. Peut-être que les Nordeyns n’étaient pas si absents que cela, en fin de compte. Peut-être était-il réellement juste, en supposant qu’il s’agissait d’une vaste épreuve destinée à juger de l’avancée des siens sur la voie de la pureté divine.

Et si c’était le cas, alors il ne pouvait pas simplement tourner les talons face à cette figure grimaçante bouffie de haine. Quoi qu’il en coûte, il devait essayer, offrir tout ce qu’il possédait pour cette cause. Ainsi seulement pourrait-il prouver sa sincérité. Et au cœur de cet instant d’éternité, cette bouffée d’inspiration empyréenne, il sentit le pouvoir en lui trouver un conduit, un lit pour déverser la rivière de sa douceur.

Comme une douce ivresse, comme le parfum subtile d’une rose trémière, il sentit l’assurance croître en sa poitrine, s’épancher quand il soupira doucement et répondit sans la moindre hésitation, le plus naturellement du monde.

Et bien pour commencer, je pense m’occuper de conduire l’âme de l’enfant que m’avez indiqué en Elysée. Voulez-vous m’accompagner dans cette entreprise et lui parler, avant son départ vers la paix divine ?

Si jusqu’à présent l’Alfe n’avait pas réussi à accéder à la porte de l’au-delà par lui-même, il se souvenait de l’adage offert par Triniel : laisser le pouvoir parler et écouter son instinct? Et son instinct lui indiquait que cette fois, il pourrait le faire. Parce qu’il ne s’agissait pas de punir le Mort-Vivant, comme il l’avait tout d’abord pensé. Chercher à accéder à son don dans un but agressif n’était pas l’essence de la création. La préservation en revanche …

La créature s’était avancée à son tour, rongeant peu à peu la distance entre eux. Cette proximité ne lui convenait en rien, mais il avait mieux à faire que de se plaindre. Même pour lui, tendre bourgeon dans le jardin des émotions mortelles, il était évident que la spirale haineuse à portée de souffle, l’aisance de l’adversité entre eux, n’était pas la solution qui conduirait à un réel progrès. Bien qu’il n’ait encore nulle notion de l’évolution possible d’un Mort-Vivant.

Vous savez, il me serait aussi plus simple de ne pas vous parler. Et je le fais pourtant. Souvent, la solution la plus simple n’est pas la meilleure. Beaucoup de mes frères et sœurs pensent, comme vous, qu’il faut abandonner l’humanité. Mais je ne suis pas d’accord

Cela avait demandé du temps, et beaucoup d’introspection, ainsi que les horreurs de la guerre contre la Mort, pour lui permettre d’en arriver à cette conclusion. Il savait aussi que nombre des siens voyaient en sa doctrine une forme de naïveté. Mais il voulait y croire. Et il pensait sincèrement que d’autres pouvaient également le comprendre. Les exaltés ne devaient pas abandonner le monde, car sinon, qui arrêterait donc les hérétiques ?

Choisir la facilité, c’est choisir d’abandonner la grâce de la lumière. Et d’ailleurs, c’est aussi la parfaite antithèse des arts magiques. Manipuler l’énergie tellurique de façon consciente n’a rien de simple

S’interrompant brièvement, il n’en était pas moins des plus assurés. Toute sa vie avait été consacrée à la manipulation tellurique, après coup. Il n’y avait rien de simple, dans les arts magiques, une discipline dangereuse réservée aux élus des dieux. Et les exactions des Nécromanciens ne faisaient que renforcer sa vision de la magie. Lui-aussi, parfois, avait envie de lâcher prise, mais il était intimement convaincu que ce n’était pas la réponse que l’humanité attendait. Ni celle qu’elle nécessitait.

Et pourtant, le spectre en semblait convaincu. Il ne s’agissait pas d’un hâtif jugement, car en sa voix sépulcral vibrait la profondeur du sentiment qui l’animait. Et encore une fois, cela le surprenait, car il n’imaginait pas qu’un Mort-Vivant puisse faire montre de la moindre émotion. Arkyn n’était néanmoins pas convaincu de la place de cette donnée potentielle dans la situation présente, tentant de l’accepter et de l’intégrer mais peinant à cet exercice.

Les éléments abordés par la créature, cependant, étaient des données qu’il maîtrisait, lui permettant davantage de stabilité. Et il souhaitait lui répondre en toute bonne foi.

Quand les humains que nous avions créés vivaient parmi nous, ils ne vivaient pas dans la peur. Par les yeux de mes ancêtres, j’ai vu les humains obéir aux lois éclairées des dieux, marcher sur le chemin du perfectionnement constant. Je pense qu’ils sont capables de le faire à nouveau

Ils avaient certes étaient leurs serviteurs, leurs esclaves selon les termes employés par les Altrois, mais ils n’avaient jamais été aussi maltraités que les pauvres âmes prisonnières des Nocturnes. Ils n’étaient pas violentés, ni abusés, on leur permettait la protection et la foi, bien que son peuple fut un parent ferme et exigeant. Et pourtant, les Altrois s’étaient soulevés. Il ne comprenait pas pourquoi. Pas plus que ses ancêtres n’avaient compris.

Arkyn posa une main sur son propre cœur.

Mon hôte présent à déjà fait ce choix. Il a abandonné les préjugés de ses ancêtres à l’égard des miens, comme je l’ai fait à l’égard des siens. Et ensemble, nous apprenons comment nous perfectionner

De nouveau, il sourit, une expression qui lui semblait plus familière, sous les traits du prince humain.

Et à aucun moment cela ne s’est passé dans la peur, car la peur est limitée

Il y avait une limite à ce que la peur pouvait créer, il en était persuadé. Si on essayait d’inculquer l’équilibre et l’illumination par la peur, cela ne ferait que renforcer l’obscurantisme. Un esprit mortel n’était pas conçu pour fonctionner logiquement sous l’effet de cette émotion invasive et perverse. Ce sentiment distordait la vision des humains, surtout devant l'imminence de leur propre mort. Tout du moins, c’était là ce qu’il pensait et s’imaginait avoir vu.

Mais il en était terriblement convaincu. Les humains ne verraient rien de positif à sa présence, et il ne pouvait pas les blâmer. Mais il pouvait tenter d’aider. D’un geste un peu brusque, il étendit une main dans sa direction, sans le moindre décorum. Une simple invitation, défaite de pompe, mais ferme et authentique, et qui ne tremblait pas. Son regard ne le quittait pas, mirant avec force, attendant sa réaction.


Prenez ma main, si vous le désirez. Et vous verrez l’âme de l’enfant comme je la verrais. Elle n’a pas reçu de rites de passage, elle est donc coincée en ce monde, prisonnière de l’énergie nécromantique, et le restera jusqu’à ce que moi, ou la déesse qui m’a élu, la libère

Un éclat enfantin passa dans ses orbes à la couleur azurée. Sans doute ne s’était-il pas attendu à cela ? Arkyn s’en amusait, fier de lui-même d’être arrivé jusque là.

N’ayez pas peur. Vous ne passerez pas la porte en même temps qu’elle. Vous êtes trop bien accroché, je pense
Skaldr VordtHéraut de la Nuit
Skaldr Vordt

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Je baissai mes orbites en direction de la surprenante main tendue. Il semblait que mon illustre interlocuteur, par l'intermédiaire de son hôte, fusse en train de faire un monstrueux effort... Ou peut-être se savait-il tout à fait démuni face à moi. Peut-être avait-il réalisé la futilité d'un affrontement, l'inévitabilité d'une défaite écrasante. Un sourire mental se dessina par-dessus mes dents grinçantes et je secouai lentement la tête. Quelque soit le motif derrière ce geste, la réponse était toute trouvée.

- "Je n'ai que faire des morts, Alfe. Guidez-donc cette pauvre enfant vers la tranquillité qu'elle mérite, si vous le souhaitez. Ma place est parmi les vivants... les humains vivants. Terrible ironie, j'en conviens". Ajoutai-je avec un petit rire sépulcral.

Je me détournai brusquement du trio et quittai le chemin boueux qui nous servait jusque là de scène. Mes bottes s'écrasèrent au travers des bruyères pour me mener devant un petit talus de terre fraichement retournée. Si l'action de l'Alfe pouvait éviter à la victime de connaître un sort similaire au mien, cela ne pouvait être qu'une bonne chose. Un être aussi pur et innocent ne méritait pas de connaître cet éternel tourment... Ma chanson, quant à elle, servirait à la venger. Et surtout à éviter que d'autres ne subissent le même sort.
Dans mon dos j'entendis bruisser les buissons tandis que l'hôte s'approchait. Ma voix, glaçante, s'éleva dans l'air.

- "Pensez-vous réellement que j'ai choisi la voie de la facilité ? Depuis des millénaires ma voix n'a de cesse de déverser sa complainte sur cette terre. Si j'avais opté pour la facilité, il y a bien longtemps que j'aurais abandonné les vers à leur pitoyables existences... Au contraire, celle-ci est incarnée par les vies immondes que mènent la plupart des habitants de ce royaume. Il est si aisé de se couvrir les yeux au moindre frisson... Lorsque ces vers auront le courage d'avancer fièrement vers la source de leurs peurs, alors là seulement je pourrais à mon tour rêver de facilité et de tranquillité."

Dans un grincement repoussant je me dépouillai de la totalité de mon armure, fichant amèrement dans la terre des dizaines de lances tordues. Elles vibrèrent et tournoyèrent, s'enfonçant lentement dans le sol humide. Quelques instants plus tard, la surface meuble explosa littéralement pour laisser apparaître un petit cadavre, porté sur un épineux lit d'acier. Molle et déjà infestée de vers, la dépouille exhalait une odeur épouvantable...

- "Inspirez profondément," murmurai-je. "L'hymne de Valstad."

Non sans une certaine délicatesse, je déposai l'enfant au pied de l'Alfe déguisé avant de rappeler les lames à moi. Tandis que le fer gémissait en s'enroulant autour de mon essence, je dardais mes fumerolles en direction du trou glaiseux qui avait été, fugacement, une sépulture de honte et de disgrâce. Quel gâchis. Là, dans la pénombre moite, j'essayai de me figurer l'avenir qu'aurait pu connaître la petite si elle avait su cacher ses magnifiques pouvoirs aux yeux des êtres qui lui étaient inférieurs... Une langueur débilitante s'empara peu à peu de mon âme toute entière. Même si elle avait atteint l'âge adulte, aucun destin ne l'aurait attendu. Au mieux aurait-elle survécu jusqu'à mourir de chagrin, privée de la possibilité de jouir des merveilleux présents que le monde lui avait fait. Ma chanson coulait sur le royaume depuis des millénaires, mais au fond je ne faisais qu'éradiquer des vers qui se reproduisaient au moins aussi vite que je ne les écrasais.
Je pris conscience que je m'étais affaissé. Tant et si bien que mes genoux calcinés s'étaient retrouvés enfoncés dans la boue qui bordait la tombe. Accablé, écrasé par une sensation d'échec nouvelle et atrocement désagréable. Le poids des années était subitement devenu bien trop tangible pour la créature désincarnée que j'étais. Je me redressai lourdement et me retournai vers l'envoyé divin.

Le chant d'une jeune Élue saurait peut-être m'apporter une ébauche de réconfort.

- "Je ne crois pas que vous connaissiez quoique ce soit à la peur, et encore moins à celle qui baigne le cœur des humains. Elle leur ronge les entrailles dès l'instant de leur naissance. Elle ne cesse jamais de les tirailler. La peur continue même de les assaillir après leur trépas..."

Je marquai une courte pause pour désagréger l'un de mes gantelets en une pluie d'échardes noires. Je grinçai des dents, dans l'espoir de dissimuler le malaise qui avait remplacé la fureur en mon sein et, enfin, tendis une main fantomatique. Une pauvre flamme bleue, vacillant dans la nuit.

- "Je n'ai que faire des morts." répétai-je d'un ton cette fois bien moins vindicatif. "Mais c'est leur requiem que j'incarne et hurle sur ces landes, ces bois et ces collines... Laissez-moi assister à sa dernière élégie."


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