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Fantôme es-tu là ? | Skaldr - Syllxeraen [Terminé]

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Syllxeraen

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Au 17 Mars de l'An 6.


Le cheval avançait au pas, défait de tout cavalier et ne portant en tout et pour tout sur son dos racé que les affaires nécessaires à dresser le campement d'ici quelques heures. Les oreilles droites et les naseaux ouverts, l’œil vif et attentif, ses pas étaient assurés malgré l'état déplorable de ce que l'on ne pouvait même pas qualifier de route. Le sentier boueux, pour une description plus exacte, sinuait entre les collines altroises, passant d'un village à l'autre, longeant des champs en jachères autant que ceux labourés pour la nouvelle récolte. Une buée opaque nimbait son visage anguleux, trahissant la fraîcheur de cette fin de journée à chacun de ses souffles. Quant aux arbres bordant le chemin, ils s'engorgeaient de bourgeons et de feuilles tendres, couvrant de leurs ombres maigres les herbes givrées de la nuit précédente, le tout sous un soleil encore pâle pour un printemps timide dans cette région tempérée.

Marchant au côté de la monture reléguée en simple bête de somme, une fine et délicate silhouette bataillait avec la mélasse boueuse qu'était devenue la terre après l'averse du matin même. Portant une tenue de tissu et de cuir souple typique de la région dans sa découpe, ses couleurs riches et sa qualité exceptionnelle trahissaient le haut rang de cet étrange voyageur. Malgré sa taille, il n'était pas de sexe féminin et autant ses long cheveux sombre, serrés en une tresse cavalière, que sa peau pâle légèrement bioluminescente trahissaient en réalité son appartenance aux Eijis du lointain archipel de Yanlei. Ses bottes montantes le protégeaient de la gadoue, mais pas des glissades dangereuses qu'il risquait à la moindre inattention. Une main serrée sur les rennes du cheval, l'autre se tenait au crin lisse comme à une bouée de sauvetage. Ses pas étaient prudents, parfois hésitants alors qu'il se laissait plutôt traîner par l'animal qu'il ne le guidait réellement.

"- N'y va pas en hiver, Syllxeraen... il fait froid en Valstad à cette période de l'année, qu'il disait. Va faire tes recherches au printemps, tu verras que les paysages sont superbes ! Oh oui, tout le monde sait que j'adore patauger dans la boue et finir trempé comme une serpillère à cause des dix averses successives en même pas cinq heures de marches !"

Grommelant pour lui-même, l'homme releva la tête vers le flanc d'une colline quand son cheval s'arrêta pour brouter sur le bas côté et il en profita pour reprendre son souffle, adossé à la selle. La région était superbe, certes, mais ce n'était pas pour ce genre de raison qu'il était ici. Repoussant une mèche de cheveux de son front humide de sueur, l'Aspect du Savoir soupira lourdement. Sans savoir monter à cheval, il ne pouvait que marcher à ses côtés le temps d'arriver à destination. La téléportation était un gros négatif dans sa liste réduite de choix, autant parce qu'il ne connaissait pas la position actuelle où se rendre, qu'il n'avait pas une connaissance suffisamment étendue de l'anatomie des équidés pour se risquer à l'expérience. Il n'avait pas envie de transformer la pauvre bête en hachis parmentier ou inventer le premier dragon-centaure de l'histoire de Teos.

Venir sous sa forme réelle était tout autant impossible puisque cela aurait rendu caduc tout l'intérêt de ses recherches ; ainsi l'incognito de sa réelle situation était et resterait le plus important afin d'être capable de recevoir des réponses naturelles et spontanées de son sujet d'étude.... Quand il arriverait à lui mettre la main dessus ! Et puis, même si sa forme d'eiji avait les jambes courtes et détonnait parmi tous les altrois qu'il croisait, au moins était-il lui-même d'apparence humaine ! Sa seule autre illusion était un Haut Alfe et autant dire qu'il préférait tirer un trait sur cette option. Et puis bon, il avait sincèrement la flemme de s'en construire une nouvelle simplement pour se balader dans cette région perdue au bout du monde. S'il était passionné à l'idée de rencontrer et de converser avec un fantôme, il ne fallait pas non plus pousser le bouchon trop loin.

Battant des cils pour chasser la fatigue de son regard, Syllxeraen revint sur la colline et scruta notamment un arbre immense en bordure d'un champ laissé à l'état sauvage. Derrière l'arbre foisonnait une forêt dense jusqu'au sommet du coteau et l'on pouvait entendre le chuchotement cristallin d'un ruisseau encore caché par les aspérités du terrain depuis sa position. Le champ était bordé d'un muret de pierres moussues, effondré par endroit à cause d'un manque d'entretien flagrant. En plissant des yeux, Syll pu remarquer plus loin sur la "route" les restes d'un village abandonné depuis très longtemps. Les poutres des toitures avaient fini par s'effondrer, rongées par l'humidité et les insectes tandis que les murs penchaient et les herbes hautes cachaient les ruines les plus endommagées, formant des talus rocailleux en place des maisons.

"- Ce devrait être ici..."

Il tourna sur lui-même, manqua de glisser dans la boue et de s'en offrir un bain intégral, jura en se rattrapant à la selle du cheval qui piaffa au soudain poids ajouté sur son flanc, puis enfin gagna l'herbe du bas côté pour s'offrir un peu plus de stabilité et serra les pans de sa cape humide autour de sa fine silhouette, drapé avec autant de fierté qu'il le pouvait étant donné la situation.

"- Un village purgé de tous ses habitants il y a plusieurs décennies, par un "mal" non définit d'après les archives... Ce fut un fléau si marquant pour les gens de la région que personne n'osa s'installer à proximité de cet endroit depuis l'incident. Maladie ou présence d'un monstre, personne n'en sait plus rien."

Il soupira en relisant le petit carnet qu'il venait de sortir d'une de ses nombreuses poches et caressa la page noircie de notes. Il y avait beaucoup d'autres villages comme celui-ci, abandonnés et oubliés du monde, toutefois chaque village marqué par une maladie avait ensuite un autel rustique dressé à proximité pour appeler les Nordeyns à purifier et guider les âmes perdues lors du drame vers Sanctum. Un autre village ou hameau était alors rapidement reconstruit non loin de sorte à garder les champs et les avantages du coin pour la population survivante. Mais pas ici. Ici il n'y avait eut aucune reconstruction et aucun appel au divin pour protéger... comme si personne ne voulait même se rappeler ce qu'il s'était passé. Cette ruine était donc encore le meilleur endroit pour poser son campement et donc son point de départ pour son enquête.

"- Allez... on pose enfin le camp."

Il tira les rennes du cheval, l'entraînant à sa suite jusqu'au pied de l'arbre immense. Légèrement en hauteur du village abandonné, il lui donnerait une bonne vue sur les alentours immédiats tout en lui offrant une protection relative contre les averses récurrentes de la région. Faire ce genre d'activité manuelle n'était pas dans ses habitudes et il mit beaucoup trop de temps à monter le campement. Lorsqu'il eut terminé, le soleil s'était couché depuis longtemps et le dragon se retrouva sous un lourd ciel de plomb, cachant jusqu'à la lune pourtant gibbeuse. Maussade, il parvint à allumer un feu et s'installa frileusement contre l'âtre crépitant. Il tira de sous ses affaire un carnet et fouilla ses poches jusqu'à trouver un crayon qu'il usa pour prendre des notes sur l'avancée -bien pauvre- de sa recherche.

Un fantôme. Voilà ce qu'il cherchait avec autant d'assiduité. Et pas n'importe lequel : il en voulait un qui datait d'avant la guerre contre les nécromanciens. Un fantôme né autrement que par la magie noire. Il voulait étudier cette créature, converser avec elle et compulser un nouvel ouvrage à leur sujet. Les récentes activité d'un fantôme dans la région l'avaient interpellé et il avait alors remonté l'histoire sinistre de cette partie de Teos, découvrant les chasses aux sorcières, l'oppression religieuse et d'autres joyeusetés. Est-ce que le fantôme avait un lien avec tout cela ? Une période agité, de nombreuses guerres... c'était un terreau fertile à la création d’anormalités !

Frileusement, il étendit les jambes vers le feu de camp, essayant de réchauffer ses pieds alors que ses bottes, retirées, fumaient déjà près des braises, le cuir séchant et la boue craquelant sur les semelles souples. Il mangeait sans appétit une poignée de baies aigres, de la viande séchée avec du pain grillé sur le feu, quand il entendit un bruit. Le cheval attaché au tronc de l'arbre s'agita, soufflant des naseaux et grattant la terre meuble de ses sabots. Un autre bruit et Syll' était redressé, aux aguets.

"- Qui va là ? Identifiez vous... et sachez que ce campement n'a pas d'intentions hostiles envers d'autres voyageurs."

Il tenta de percer l'obscurité autour de lui, au delà du halo de lumière que fournissait les flammes de son feu. Avait-il rêvé les bruits ? Il frissonna et tira un peu plus la couverture sur ses fines épaules, inquiet. Pourquoi chassait-il un fantôme seul déjà ? Et pourquoi faisait-il nuit quand ça arrivait ?
Skaldr VordtHéraut de la Nuit
Skaldr Vordt

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La journée avait été particulièrement pluvieuse et une glaise gluante avait envahi les routes et les champs de l'arrière-pays de Valstad. Âme en peine, solitaire, je vagabondai au travers des collines et des bois, m'enfonçant de plus en plus profondément en direction des frontières mêmes du monde connu. L'esprit embrumé par les étranges détails de ma dernière rencontre, je venais chercher un peu de repos sur le théâtre de l'une de mes plus belles tragédie. Les détails, sordides, s'étaient depuis longtemps perdu dans les méandres obscures de ma fumeuse mémoire. Les tueries finissaient par se suivre et se ressembler - et hélas ma chanson ne parvenait toujours pas à s'élever au-dessus de tout ce marécage. Alors que mes bottes de ferraille noire s'enfonçaient dans un infect mélange de feuilles mortes et de boue, une nouvelle averse se mit à tomber sur moi. Comme autant de dagues, je ressentis les traits pénétrer mon essence. Les quelques douloureux souvenirs que je ne parvenais pas à oublier s'imposèrent à moi et je me drapai dans une doucereuse morosité.

La ruine familière m'accueillit avec un silence à la fois pesant et réconfortant. Je relevai la tête, étirant mon cou en direction de la nuit nuageuse et laissai tout simplement la lugubre atmosphère se mêler à mon esprit. Comme extirpées depuis les profondeurs troubles d'une tourbière, les premières notes d'un ténu souvenir se mirent à résonner en moi. Rapidement la mélodie se mua en une mélopée, puis en une symphonie d'agonie et de terreur. Ma chanson dans sa plus pure forme. La fugace image d'un charnier déchiqueté vint danser devant moi... Quand soudain je fus arraché à ma transe par l'éclat chaud d'une flamme dans le lointain. Je dardai mes fumerolles en direction de l'impromptue distraction, brusquement habité par une colère froide teintée de curiosité. Se pouvait-il réellement qu'une pauvre âme démente et débile se soit aventurée aussi profondément sur mes terres ? Jusqu'à caresser du doigt mon propre sanctuaire ?
Mes dents grincèrent et mes chaînes cliquetèrent. Mes bottes s’enfoncèrent dans la pierre et la terre et je commençai à gravir le versant boueux.

Un humain blafard frissonnait devant un feu de camp. Bien qu'emmitouflé dans une épaisse couverture, ses membres malingres trahissaient la faiblesse de son corps. Je détaillai rapidement son campement et notai la cruelle absence de toute arme ou armure. Comment pareil vermisseau avait-il pu survivre sur les routes ? Le premier des brigands aurait eu tôt fait de lui trancher la gorge pour le délester de ses biens. Même un loup malingre et tiraillé par la fin aurait sans nul doute suffisamment de force pour percer cette peau laiteuse, broyer ces os frêles... Ses traits fins et délicats semblaient appartenir à une autre réalité.
Un murmure aguicheur souffla en moi, et je ne pus réprimer un léger frisson. L'acier qui gardait mon cœur se mit à tinter doucement dans le silence nocturne, et je vis aussitôt l'inquiétude se peindre sur le visage de l'imprudent. Un mélange de déception et d'impatience éclata en moi face à pareil spectacle. Un genre d’œuvre d'art que seule une poignée d'élus semblait capable d'apprécier. Je m'animai presque malgré moi et fit grincer ma lame contre mon plastron.

"- Qui va là ? Identifiez vous... et sachez que ce campement n'a pas d'intentions hostiles envers d'autres voyageurs."

Je quittai le couvert de l'obscurité et m'avançai d'un pas lent en direction du campement de fortune. Allait-il s'enfuir en hurlant ? Ou était-il de ceux qui restaient paralysés par la peur jusqu'au moment fatidique ? J'exhalai quelques volutes blanches devant mon visage spectral et grinçai des dents à la face de l'égaré malchanceux.

- Les étrangers grouillent ces derniers jours.

Je marquai une courte pause pour jauger mon interlocuteur. Ce dernier me semblait étrangement calme... A nouveau, j'entendis l'espoir susurrer à mon esprit. Un élu ? Mon être tout entier se mit à vibrer, le métal frottant amèrement le métal, produisant ainsi les premières notes de ma funeste complainte d'acier.

- Voyageur ? Non, je demeure ici en mon sanctuaire sacré... Et toi tu le surplombes en frissonnant. Maigre larve. Et pourtant tu t'es enfoncé dans les ténèbres sales de ce royaume pour t'échouer aux confins de son cœur le plus noir. Dis-moi que tu es venu quérir ma chanson...

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Syllxeraen

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L'attente était insoutenable. Il savait que quelque chose -ou quelqu'un- rôdait aux abords immédiats de son campement, mais il ne voyait rien et ne désirait pas lire les énergies thelluriques au risque de trahir sa véritable nature. Le dragon déguisé en eiji resta donc près de son feu, cherchant là un peu de réconfort tandis qu'une tension grandissait en lui et qu'une nervosité commençait à l'assaillir. Avait-il peur des fantômes ? Peut-être... Après tout, la dernière fois qu'il avait croisé des morts-vivants n'avait pas été dans les meilleures conditions. Aussi lorsqu'un tintement métallique, Syllxeraen sentit un frisson lui courir le long du dos et il serra davantage la couverture.

Les paumes moites, ses yeux au gris aussi clair que la lune  cherchèrent frénétiquement d'où viendrait l'apparition. Le grincement du métal rouillé se fit plus fort et il cru entendre le pas lourd de bottes ferrées. L'instant d’après, ce fut une lueur dans les arbres, puis une autre vers le sentier... avant que finalement le fantôme n'approche à découvert et ne fasse sursauter le dragon qui ravala un hoquet de terreur ingénue. Ce n'était pas tant le fait d'être face à un mort-vivant qui le choqua, mais bien toute la mise en scène angoissante et sinistre qui l'entourait.

"- Non, mais bon sang !!! A-t-on idée de faire monter une telle attente avant de se présenter !? Vous m'avez collé la frousse de ma vie !"

La remarque fut cinglante, offusquée et drapée d'un peu de honte alors qu'il finissait par lâcher un rire nerveux, mais surtout soulagé quand le fantôme se montra suffisamment intellectuel pour s'adresser à lui en langue commune, de façon cohérente et... et même poétique ? La peur fut rapidement chassée des traits délicats de l'eiji qui pencha la tête de côté, aussi intrigué que curieux à présent. Seule la complainte d'acier, sinistre et mélancolique, su réfréner Syll' à poser immédiatement sa pléthore de questions. Il attendit plutôt quelques instants de plus, curieux de l'entendre lui proposer une telle offre et ne pu cacher son intérêt.

Il se redressa alors, laissant la couverture glisser au bas de ses épaules. S'il avait peur ? Plus réellement, même si le fantôme était impressionnant dans son allure sinistre. Maintenant qu'il voyait la source de tous ces événements, il parvenait de nouveau à rationaliser. De plus, la curiosité anesthésier tout le reste.

"- Et bien en sachant que je suis venu jusqu'ici uniquement pour en apprendre plus sur votre situation de "non-vie", je pense qu'écouter votre histoire est encore le meilleur moyen d'y parvenir ! Maintenant..."

Il eut l'ombre d'un sourire taquin, ses jolis yeux en amande, d'un gris aussi pâle que la lune, pétillant d'une joie patinée par un fond de retenue polie. Après tout, il ne voulait pas vexer le fantôme dès les premières minutes de leur rencontre ! Malheureusement pour eux deux, le dragon déguisé adorait parler et il était de si bonne humeur à présent qu'il avait débusqué son sujet d'étude que les mots coulèrent de ses lèvres comme un ruisseau printanier :

"- ... Si vous préférez me la chanter plutôt que me la conter, faites donc ! Je ne suis pas particulièrement regardant sur la façon dont un savoir m'est transmis. Du moment que l'orateur est confortable dans sa façon de faire, je le serais tout autant~ "

Son sourire se fit plus large alors qu'il fouillait ses affaires pour y dénicher de quoi écrire. Plume, encrier, plateau et parchemins ; en un rien de temps, Syllxeraen fut assis en tailleur près du feu, à l'écoute de ce que son interlocuteur aurait la générosité de lui fournir. Il trempa la pointe de sa plume dans l'encre sombre, préférant une méthode plus classique d'écriture par simple désir de confort. Installé de la sorte, il ne se voyait pas user d'un pinceau et encore moins de frotter sa pierre d'encre.

"- Installez vous donc... Ah !"

Il sembla se rappeler de quelque chose et reprit après un bref silence circonspect :

"- Avec tout ça, j'ai oublié de me présenter. Je me nomme Liang et je crains de ne pas avoir pu obtenir votre nom dans les légendes locales... Comment désirez-vous être adressé ?"
Skaldr VordtHéraut de la Nuit
Skaldr Vordt

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Immobile dans l'air humide, j'écoutai attentivement la curieuse réponse du voyageur égaré. Un érudit semblait-il... Venu de par delà les mers pour m'étudier moi ? Un glorieux chœur de fierté commença à vrombir en moi. Se pourrait-il finalement que ma chanson ait bien plus porté que je ne le croyais initialement ? Se pourrait-il qu'il existe un espoir pour ce monde de boue ? Mais pour l'heure, l'étrange humain me semblait doté à la fois d'une redoutable intelligence et d'une répugnante naïveté. Si un quelconque espoir il devait représenter, il était bien ténu. Mais une chose était certaine : la peur avait déserté son regard, et ce détail suffisait à éveiller mon propre intérêt... Paré de son grand sourire béat, je le regardai fouiller dans ses affaires pour en extirper tout l'attirail du parfait petit scribe. Auréolé d'une sorte de candeur innocente, il avait alors proposé à l'horrible créature que j'étais de... s'installer. Devais-je y voir une forme, subtile et pernicieuse, d'insulte ? Je choisis de ne pas relever l'injure et m'approchai à nouveau, jusqu'à fouler l'âtre incandescent du bout de mes bottes. Un vieux souvenir remonta, à l'instar des volutes de fumées qui ne tardèrent pas à se mêler à mon être.

- Les vers frémissent en invoquant la Complainte d'Acier. Ils savent ce qu'elle signifie, ils savent ce que je suis.

Je laissai ces quelques mots flotter autour de nous. L'atmosphère était encore chargée des pluies incessantes de la journée, et ne je parvins pas à résister à son étreinte mouillée... Une sombre mélancolie agita mon âme et je continuai, d'une voix plus grinçante et discordante encore.

- Il y a bien longtemps l'on me connaissait sous le nom de Skaldr. Skaldr Vordt je crois... Je n'étais alors qu'un asticot sourd et aveugle. Ma vie durant j'ai festoyé sur les carcasses purulentes d'une société alors terriblement malade. Et aujourd'hui, je contemple ce monde fangeux et vois l'infection se propager à nouveau... Mon chant s'intensifie en réponse.

Mes derniers mots s'étaient embrasés sous le coup de la colère et, machinalement, j'avais violemment tordu les plaques de fer qui engonçai ma silhouette... L'acier s'effilocha en une centaine d'épines noires qui, ensemble, s'animèrent en une sinistre danse. Elles tourbillonnèrent sans grâce aucune, persiflant avec fureur. Nu, debout face au plus bizarre des érudits, perdu dans l’œil d'un cyclone de haine et de métal, je massacrai mentalement un peuple entier. Les miens, ces vermines. Alors, comme rassasiée par ce carnage imaginaire, ma folie s'estompa doucement et les flèches de métal s'écrasèrent et s'entremêlèrent dans la terre pour évoquer la vague forme d'un banc tordu. Je me laissai tomber sur les lames, savourant en silence la souffrance éthérée qu'elles me provoquèrent en tailladant mon essence. La douleur constante m'aidait à contenir ma démence meurtrière.

Un martyr. J'étais leur martyr. Le sauveur des vers, et leur bourreau à la fois.

A demi calmé, je reportai mon attention sur l'exotique larve. Elle ne me semblait pas devoir être sauvée - nul doute qu'elle avait les yeux grand ouverts. Mais sa voix pouvait-elle s'accorder à ma chanson ? Il le fallait.

- Créature pâle. Je vois bien que tu t'élèves au-dessus des masses grouillantes. Tu connais la peur mais tu refuses de la laisser mener la danse... Et tu vis au nom de la connaissance. Mais ma chanson est bien plus que tout cela. Elle est une symphonie qui écrase les faibles, les broie jusqu'à ce qu'ils s'effacent d'eux même. Elle est un chœur majestueux qui voit les véritables élus marcher dans la lumière. Dis-moi pâle créature, que t'inspire la Magie ?

Je m'étais penché sur l'humain au travers des volutes que son feu produisait. Mon visage désincarné n'était qu'à quelques pouces d'absorber le sien. Mes dents vibrèrent et grincèrent, et un petit rire impatient résonna dans la nuit.
Il fallait que sa réponse puisse se fondre dans ma chanson.
Il le fallait.
SyllxeraenAspect Stellaire
Syllxeraen

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Il le suivit du regard, à la fois curieux de la façon dont il prendrait son invitation et vaguement inquiet de pouvoir commettre à tout instant la faute qui le ferait partir, mettant fin par la même occasion à cette entrevue exceptionnelle. Aucun des livres à sa disposition n'avaient pu le renseigner de façon satisfaisante sur les fantômes, encore moins sur l'art et la manière de converser avec eux. Il avançait donc totalement à l'aveugle et ne pouvait compter que sur les compétences qu'il avait su affiner et perfectionner au fil des siècles, puis des millénaires. Son cœur battait toutefois la chamade alors que la voix grinçante d'outre-tombe s'élevait à nouveau dans l'air frais de cette nuit humide.

"- Et pourtant me voilà sans savoir."

Il eut un sourire doux, faisant légèrement plisser ses yeux en amande, n'émettant dans sa phrase qu'un simple constat dénué de tout reproche ou mépris. Il pencha la tête de côté, montrant que malgré ces mots sinistres plein d'avertissements, il se trouvait toujours aussi intéressé, voire intrigué à présent. Qu'est-ce que cette plainte avait-elle de plus pour qu'elle fasse à ce point peur ? Les mortels s'entre-déchiraient tout le temps et pourtant ils s'entêtaient à cohabiter dans des villages, des villes et à dresser tout autour d'eux des murs toujours plus hauts les uns que les autres. Des moutons qui s'enfermaient, sachant que parmi eux se cachaient des loups affamés et décidant malgré tout de prendre le risque. Alors pourquoi cette complainte serait-elle différente ? Peut-être parce qu'il était un fantôme ?! Syllxeraen cligna des yeux, s'arrachant à ses pensées alors que la voix de la créature tombait avec fracas comme un couvercle de tombe.

"- Skaldr Vordt."

Il répéta ce mot comme pour lui redonner sa forme, une contenance que les lèvres éthérées avaient délité, que les mémoires avaient gommé au fil du temps. Baissant la tête sur son carnet, le jeune eiji prit minutieusement des notes et s'il recopia fidèlement les mots écœurant dont semblait se délecter la créature dans son récit, il n'hésita pas à ajouter ses propres théories en marge. Il savait la région fortement affligée par la religion, il avait connaissance des chasses "aux sorcières" sans avoir pu en comprendre le pourquoi. Il avait lu quelques ouvrages sur l'histoire de Valstad de sorte à ne pas se rendre dans une région totalement sourd et aveugle à ses us et coutumes, mais il y avait encore beaucoup trop de parties dans l'ombres pour qu'il parvienne à relier entre eux tous les points d'informations.

Skaldr semblait avoir servi les nobles de l'époque, peut-être en avait-il été un lui-même un puisqu'il portait un patronyme. Éduqué, conformé à ce que l'on attendait de quelqu'un de son rang, il avait probablement dû connaître une fin tragique. S'était-il rebellé contre la société qui l'avait vu naître et l'avait utilisé pour ses objectifs sinistres et biaisés ? Avait-il été disposé par cette même société une fois qu'il eut fais son travail, voire son temps peut-être ? Tel un objet usité, cassé, l'on aurait abrégé son existence ? La vie des humains était si brève après tout ! Une simple flamme à souffler sur la ficelle de sa bougie... Le jeu des ombres sur les flammes tirèrent son attention de ses notes et il releva le nez uniquement pour voir l'armure s'effilocher, puis se recomposer en un siège de ronces et de lames.

Muet par le spectacle sinistre et gorgé de haine auquel il venait d'assister, Syllxeraen se racla légèrement la gorge quand le fantôme daigna enfin s'asseoir et haussa un sourcil. Même si doté d'un corps éthéré, n'avait-il pas mal à installer son postérieur sur telle assise ?! Le dragon sous illusion tenta de conserver une expression neutre, ne voulant pas juger du goût et des préférences que d'autres pourraient développer sur leur temps libre et tenta plutôt de se reconcentrer sur leur histoire. Ce fut sans compter sur la question que Skaldr eut l'inconscience de lui poser. Ses yeux s'arrondirent légèrement et un vague sourire ourla timidement ses lèvres douces. Ses doigts se mirent à palper, puis à faire lentement, pensivement, tourner la plume blanche qu'il utilisait pour coucher ses notes.

"- Ce que m'inspire la Magie..."

Quel vaste sujet !!! Il se délectait d'avance de le lui dire. Prenant une profonde inspiration, l'Aspect du Savoir se lança dans un long discours.

"- La Magie m'inspire une immense admiration. Il s'agit de l'utilisation de l'essence qui parcourt absolument tout Teos qui se présente par des lignes telluriques que vous pouvez visualiser comme des filets, des ruisseaux et des rivières, voire des fleuves bouillonnants qui deviendront à leur tour des lacs lorsqu'ils se croiseront et forment ce que l'on appellera des nœuds telluriques. Cette énergie brute, que certaines créatures consomment de façon totalement instinctives, est naturelle. Vous avez les dragons devenant adultes qui ne se nourrissent plus que de cette source ou encore les Darlaks qui naissent des flux tellurique et littéralement par la mauvaise utilisation de la Magie et chassent les coupables..."

Il continua ainsi pendant vingt bonnes minutes, parlant de plusieurs exemples où la Magie était la source de nombreuses choses neutres, merveilleuses, en ce monde, avant de passer finalement à autre chose :

"- ... Tout cela pour dire que la Magie est une chose indispensable dans nos vies. Pour Teos, nous compris. Malheureusement je sais que beaucoup dont l'existence est brève, comme les humains, peuvent en avoir peur et comment les en blâmer ? Ceux qui usent de la Magie peuvent faire beaucoup de mal, tout comme ils peuvent faire beaucoup de bien. La Magie n'est pas responsable des sombres événements qui marquèrent l'histoire de Teos tout au long de sa création ; elle n'est que l'outil, pas la main. Va-t-on blâmer l'épée de tuer ou la faux de trancher les mauvaises récoltes ? Peut-on blâmer la pluie de tomber et d’inonder ou le feu de consumer et blesser ?"

Il parlait à présent d'une voix douce et contempla le fantôme avec un fin sourire sans joie.

"- La Magie est une chose merveilleuse... mais uniquement entre de bonnes mains. Nous avons tous vu ce qu'elle peut faire avec de mauvaises intentions. Teos n'était pas ainsi il y a plusieurs milliers d'années ; nous n'étions qu'un seul et même continent, puis les Alfes Sombres ont créé une escalade dans leur guerre ancestrale et maintenant nous sommes divisés, fractionnés. Les régions humaines n'étaient pas aussi stigmatisées il y a trente, voire même vingt ans. Avant la guerre contre les nécromanciens..."

Il éleva légèrement une main, un sourire aimable, rassurant, aux lèvres.

"- Je ne dis pas que ces régions et leurs systèmes étaient parfaits. Vous êtes la preuve qu'il y avait déjà à l'époque beaucoup d'injustices et de chagrins, mais ce n'était pas aussi... Aussi corrompu dans son sol, ni dans ses mémoires."

Son regard s'assombrit alors qu'il prenait une branche pour attiser les flammes, ajoutant par la suite un peu de bois pour garder le feu vif.

"- La Magie m'inspire aussi de la peur. Celle révérencieuse pour une puissance quasiment sans limite et dont nous ne connaissons au final presque rien. Lorsque nous usons de l'énergie pour créer nos sorts, est-ce qu'elle retourne dans les flots éthérés du monde ou bien est-elle brûlée à jamais ? Sommes-nous en train de drainer une énergie limitée ou se renouvelle-t-elle ? Quel est le prix au final pour user de magie ?! Pourquoi sommes-nous si intimement liés à elle ? Toute chose en Teos peut user de la Magie, pourquoi certaines ont plus de facilité que d'autres ?"

Il haussa légèrement des épaules, observa ses notes et eut un léger rire embarrassé. N'apprendrait-il donc jamais ? Oh, il était probablement trop vieux maintenant pour changer. Il retrouva bien vite son calme et reprit avec gravité :

"- Je vous présente mes excuses, Sir Vordt. J'ai facilement tendance à m'emporter ! J'espère avoir pu répondre, malgré tout, à votre question."
Skaldr VordtHéraut de la Nuit
Skaldr Vordt

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Sans que rien ne puisse m'y préparer, l'être pâle vomit un océan de paroles. Les mots déferlèrent sur moi tel un raz-de-marée géant, me noyant littéralement dans l'amour et la dévotion que mon interlocuteur ressentait en ce moment présent. Très vite, je fus balayé par le flot interrompu et le temps sembla se distordre. Je flottais au sein d'une mer opaque... Non je m'y diluais lentement. Alors que je lévitai dans ces douces abysses, baignées d'une musique familière et différente à la fois, je m'abandonnai à quelques pensées récentes. Je revis la silhouette d'un souverain Alfe danser devant mes yeux, et ses mots revinrent m'écorcher l'âme. Les paroles de la pâle créature résonnait étrangement avec ma précédente rencontre... Perpétuai-je la peur même que je condamnais ? Si tel devait être le cas, alors j'avais surestimé le cœur des vers. Et si mon chant était obligatoirement dévoyé par l'oreille humaine ? Et si ces derniers étaient tout simplement incapable de marcher dans la lumière ? Et si j'étais l'être unique qui avait su jeter à bas le masque putride qui m'avait englué les paupières ?

Je devais être leur guide.

La purge ne suffirait pas - des milliers d'années n'avaient pas suffit à nettoyer cette terre de cette tâche infâme. Cette souillure était inhérente à l'âme humaine. Me fallait-il tourner le dos à mes racines boueuses ? Avais-je fait le mauvais choix en me rangeant du côté des vivants ? Peut-être fallait-il tout simplement qu'apporte la fin à ceux qui m'avait créé... Ma chanson était-elle celle d'un monde de mages et d'élus uniquement ? Une purge totale et absolue...

Un martyr... Voué à séparer le bon grain de l'ivraie, sous une pluie de haine et de terreur.

Soudain, depuis les tréfonds de l'océan amoureux, j'aperçus la forme ondulante d'une ancre. Un nouveau sentiment émergeait au sein de ce tourbillon de mots, et je fus arraché à ma torpeur. La Magie, un outil ? Non elle était une force de l'existence à laquelle tous devaient se soumettre. La seule chose qui soit qui mérite que l'on pose un genou à terre devant elle, que l'on courbe l'échine. Les mages ne sont pas des artisans, mais les élus d'une entité qui les dépasse. Qui nous dépasse tous.
Je crevai définitivement la surface, et me penchai en direction du drôle d'érudit. Les mains sur les cuisses je m'enfonçai un peu plus au travers de mon siège sacrificiel, m'arrachant un long hurlement silencieux. Grâce à sa tirade, je réalisai que, obnubilé par la terre qui m'avait vu naître deux fois, je n'avais jamais véritablement tourné mon regard vers les autres royaumes humains. Je savais que mon chant y vibrait bien plus fort que parmi les collines boueuses de Valstad. Peut-être... Peut-être pouvais-je y trouver une alternative à mon incessante moisson. Ou peut-être pouvais-je y trouver la confirmation ultime qu'un massacre unilatéral était la seule voie possible. Je m'écorchai les bras sur mon banc pour maîtriser l'ouragan qui mugissait en moi. Mes dents cognèrent contre mes dents. Le pâle intrus avait enfin fermé la bouche.

Je me redressai de toute ma hauteur et avançai dans les flammes du petit âtre. En une unique note atroce, mon armure se reconstitua autour de ma silhouette désincarnée. Je toisai longuement le scribe. Il était certain qu'il était de ceux qui marchaient dans la lumière. Mieux, en dépit de son corps frêle et de sa langue insupportable, il partageait mon chant, et le propageait autour de lui au fil de ses pérégrinations.
J'invoquai ma lame et la brandit dans l'air nocturne.

- "Tu n'as aucune excuse à formuler, Pâle-Être. Je vois bien que tu marches auréolé de lumière, et que tes lèvres vocifèrent ma glorieuse chanson. Considères-toi comme béni par la Complainte d'Acier, autorité réelle de tous les vers de Valstad."

Avec une délicatesse inhabituelle, j'abattis doucement mon épée sur les épaules du scribe. Un léger rire résonna à l'intérieur de mon crâne. Un adoubement spectral pour un homme au teint de cadavre.

- "Je refuse de voir la Magie comme un outil. Elle est la seule force qui mérite dévouement et prières. Je ferais en sorte que cette terre ouvre les yeux sur cette unique Vérité. Mon oeuvre a commencé il y a plusieurs milliers d'années, mais je crois qu'il est temps de lui donner une autre forme..." Exhalai-je, exalté, à la face du scribe.

Je me détournai brutalement et entrepris de quitter la clairière, le pas particulièrement lent. Et curieusement alourdi.

SyllxeraenAspect Stellaire
Syllxeraen

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Il fut heureux que Skaldr soit déjà dans un état de non-vie, sans quoi le long et fastidieux discours de l'Aspect du Savoir aurait pu faire décéder d'ennuis son auditoire. Dans le silence assourdissant qui s'en suivit, Syllxeraen observa la créature quitter son siège de ronces et entrer dans l'âtre de son feu. Les flammes tournèrent au bleu, puis au vert maladif dans des contorsions douloureuses, crépitant et agonisant au froid magique qui l'assaillait jusque dans ses braises ardentes. L'apparition de l'épée crispa sensiblement l'Eiji qui ne fit toutefois aucun geste pour prévenir le mouvement, ni s'éloigner du fantôme. Il se contenta de l'observer avec grande attention, une certaine prudence dans la patine ardoise de ses orbes. S'il ne craignait pas de recevoir un coup mortel, il lui serait excessivement désagréable de devoir finir cette discussion éduquée d'une façon aussi violente que peu gracieuse que l'était un combat rapproché. Fort heureusement, rien de tout cela n'arriva et Syll' se laissa docilement faire.

"- ... Merci ?"

Est-ce que l'Aspect Stellaire venait d'être adoubé par un fantôme chargé de haine au beau milieu de la campagne pluvieuse de Valstad ? Il semblerait bien que oui. En d'autres circonstances, Syllxeraen aurait adoré l'incongruité de la situation, mais il avait la désagréable impression que quelque chose lui échappait. Quelque chose d'important. Les paroles de la créature sonnaient les cloches d'un sentiment d'inquiétude et d'inconfort sans qu'il ne parvienne à mettre le doigt sur sa source et s'il nota avec une certaine satisfaction qu'il n'était plus associé à une larve ou encore un asticot, ayant visiblement grimpé dans l'échelle des associations macabres du fantôme, le dragon se mit à cogiter à toute vitesse.

Skaldr pensait lui avoir accordé une bénédiction, mais n'était-ce pas les Dieux qui octroyaient ce genre d'actions ? Lorsqu'il parlait de devenir la seule autorité en ces terres, se pensait-il au dessus des lois et... être la nouvelle administration du royaume ? Comment ? Mais surtout pourquoi ?! Un frisson coula dans le dos du dragon déguisé lorsque les réponses lui échappèrent par manque d'informations. Et alors qu'il sentait son angoisse grimper d'un cran, l'épée fantomatique toucha chacune de ses épaules avec une délicatesse surprenante. Mais qu'est-ce qu'il se passait à la fin ?! Le rire éthéré vint le sortir de ses pensées et il sursauta légèrement, stupéfait.

"- Attendez... Sir Vordt ?!"

Il fut toutefois interrompu et ouvrit des yeux ronds aux paroles qui suivirent. Comment ça la Magie ne méritait que dévouement et prières ?! Comment ça il voulait réformer son œuvre de façon à ce que tous ouvrent les yeux sur une unique Vérité ?! Mais absolument pas ! Syll' ouvrit la bouche pour protester, mais pour une des rares fois de son existence il ne su quoi dire. Quelque chose clochait. Quelque chose lui échappait... Mais ce qui était sûr, c'est que s'il laissait le fantôme s'en aller comme ça une autre calamité allait survenir sur ces terres. Hors le dragon boréal n'osait imaginer la réaction du Primordial du Savoir s'il venait à apprendre que c'était encore de sa faute ! La punition serait terrible, plus encore le savon qu'il se mangerait... Pire ; et si jamais Triniel apprenait qu'il était la cause d'un massacre de ses précieux humains... ?

"- SIR VORDT !!!"

L'appel fut paniqué alors qu'il se relevait d'un bond et courait après le fantôme en sautillant d'un pied, puis de l'autre alors qu'il enfilait ses bottes sans prendre le risque de ralentir. La peur au ventre, l'esprit en ébullition pour comprendre ce qu'il se passait, il finit par réaliser que toute cette affaire reposait sur un quiproquos après avoir manqué s'assommer contre un arbre en glissant dans l'herbe humide. S'il parvenait à l'éclaircir, peut-être pourrait-il calmer l'esprit vengeur et ainsi s'éviter une catastrophe. Il essaya donc de le rattraper, dérapant de ci et de là entre les flaques de boue et les pierres glissantes des murets effondrés, s'écorchant les mains sur les branches et les décombres alentours.

"- Excusez-moi, mais je pense que nous avons un sérieux malentendu ! Vous ne pouvez pas prêter à la Magie une qualité métaphysique impliquant respect et sollicitude, soit une capacité dite de sentience... et donc lui vouer un culte ! La Magie est littéralement le terme employé lorsque nous utilisons l'énergie thellurique. Rien de plus ! Ce que vous admirez est probablement l'essence de Teos, mais elle n'est que ce qu'elle est : une énergie neutre... et ne vous en déplaise, une ressource brute."

Heureusement pour lui, le spectre ne marchait pas très vite et malgré ses petites jambes d'Eiji, il parvint à le rejoindre, puis à le dépasser de façon à pouvoir s'interposer et arrêter sa marche aussi funeste que lourde. Levant la tête vers lui, il espéra simplement que l'autre ne se mette pas en tête de lui passer au travers du corps... Expirant sèchement, Syll' reprit d'une voix bien plus ferme, voire autoritaire, abandonnant une partie de son masque d’innocence et de mortalité :

"- De la même façon qu'il n'existe aucune Vérité absolue. Il n'y a pas plus subjectif que la perception d'un esprit qui la pense et son objet. Ce qui est vrai pour l'un, ne le sera pas pour l'autre ; c'est la règle de la divergence d'opinions, comme en témoigne les changements dans l'espace et dans le temps tout au long de l'Histoire de Cor Dei. D'ailleurs -et sans vous offenser- imposer une seule vérité n'est pas apporter la liberté et l'illumination au peuple de Valstad, mais plutôt l'oppression ! La même que vous avez subit lors de votre vivant, celle qui alimente aujourd'hui en votre âme tellement de haine..."

Il se savait sur un terrain glissant. Aussi métaphoriquement que physiquement, à se tenir au milieu d'un sentier de glaise puante, gorgée de feuilles en décompositions et de défécations animales. Pourtant il refusait de bouger, de reculer ne serait-ce que d'un pas. En contrejour de la lune blafarde, ses yeux luisaient d'une aura boréale, chatoyants de vert, d'or, d'orange et de jaune. Sa présence se fit plus grande, plus écrasante sans pour autant qu'il ne se dévêtisse encore de sa métamorphose humaine. C'était davantage une impression diffuse, un filigrane sur la réalité. Lorsqu'il reprit la parole, ce fut avec plus de douceur :

"- Agir de la sorte ne fera pas de vous le meshi'ha de ce peuple, bien au contraire... vous reproduirez exactement les même erreurs que ceux que vous fustigez si ardemment. Je suis sûr que vous valez mieux que cela... Ai-je tort ?"

Syllxeraen pencha la tête de côté et esquissa un sourire indéchiffrable dans un masque de neutralité courtoise. L'impression d'urgence et d'autorité disparue et il ne resta qu'un petit être délicat, humain et grelottant au milieu d'un sentier boueux.

"- S'il vous plaît, revenez au campement avec moi. Peut-être pourriez-vous alors me raconter plus en détail ce qu'il vous est réellement arrivé... Peut-être même avec un petit peu moins de métaphores ? Non point que je ne sache goûter à votre poésie, mais elle ne convient que très peu au besoins factuels qu'un résumé historique réclame généralement."

Son sourire s'accentua à cette proposition un brin taquine tout en restant prudente, car après tout il ne savait pas encore comment réagirait la créature à tout ce qu'il venait de lui dire.
Skaldr VordtHéraut de la Nuit
Skaldr Vordt

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D'abord l'Alfe bouffi de haine et maintenant l'étranger bavard. Et cela bien peu de temps après les évènements de la peste immonde qui déferla sur le monde. Des signes. Un changement devait absolument être opéré... En moi et sur cette terre. Le temps de l'immobilité et du massacre des vers aveugles était révolu... Aussi je m'étais mis en marche. Mais dans quel direction, dans quel but ? Mon esprit était baigné de brumes noires et opaques, si semblables à cette boue que je haïssais tant. Elles étaient une geôle pour mon âme en peine, un carcan subitement devenu étouffant. Loin de moi, au-dessus des cimes, au-delà des nuages, devait luire tristement l'astre lunaire. Tout aussi mystérieuse et inaccessible que la flamme je désirais désormais ardemment. Une lanterne pour disperser le brouillard.

A peine avais-je quitté le camp du Pâle-Être que ce dernier s'était élancé à ma poursuite en beuglant mon nom avec une politesse ridicule - et presque déplacée. J'entendis dans mon dos le vacarme que sa précipitation provoquait... et balayai d'un revers de l'esprit jusqu'à son existence même. Je devais trouver ma lueur seul, car c'était là le seul moyen de s'assurer qu'elle m'était bien destinée. A moi et moi seul.
Soudain, le scribe surgit dans mon champ de vision en dérapant maladroite sur un tapis de mousse gorgée d'eau. Il tituba pitoyablement dans la boue jusqu'à finalement se redresser face à moi. Je soupirai profondément en m'immobilisant. Cette créature était proprement impossible à ignorer - à l'instar d'une mouche virevoltant autour d'une bougie. Je baissai le crâne dans sa direction, et fut accueilli par un masque étonnamment assuré et déterminé. Ses paroles, à nouveau assommantes, avaient le mérite d'être empreintes d'une sagesse innocente, presque enfantine. Le scribe vivait dans une bulle utopique. Je décrochai les mâchoires et dans un torrent de volutes obscures régurgitai ma bile amère et désabusée.

- "Regarde autour de toi, admire la beauté qu'a engendré le libre-arbitre des habitants de cette terre... L'injustice est reine et les monstruosités sont quotidiennes. Quand les vers se perdent, l'oppression d'un guide éclairé peut être leur seul salut."

La nuit était si sombre.

- "Mais je ne suis pas encore ce guide éclairé." Déglutis-je finalement, atone.

C'est à cet instant précis que la Lune se décida à disperser sa pèlerine de nuages, apparaissant dans toute sa solitude. L'astre du doute fit miroiter ses blêmes rayons sur ma carcasse tandis que devant moi le Pâle-Être laissait transparaître sa magie. Le temps sembla s'arrêter. L'aura de l'humain gonflait dans la clairière jusqu'à en devenir presque étouffante. Interdit, je contemplai sa démonstration de force avec une admiration sincère.

- "Le meshi'ha ?" Grinçai-je en écho, avant de me détourner pour river mes orbites vides sur le disque blafard.

- "Mon existence n'a de sens que dans la chanson qu'elle transporte, et c'est bien la raison pour laquelle je vaut bien plus que tous les prétendus dirigeants de cette terre. Mais les vers s'y sont habitués, et mon chant n'est à leurs oreilles guère plus qu'un murmure perdu dans le vent..."

Je reportai mon attention sur le scribe, qui avait à nouveau endossé son apparente et pathétique faiblesse. Le petit sourire dont il avait orné ses lèvres étincelait curieusement dans la nuit. Comme une porte ouverte un soir de pluie... Un éclair traversa mon crâne, et je me remémorai la nuit de ma mort. Je secouai la tête, étirant hideusement mon cou au-delà de toute convenance matérielle et repris, avec une douceur éraflée :

- Nous nous reverrons, Pâle-Être. Quoi que tu sois, et quelque soit le véritable but qui t'anime... Et cette fois-ci je te raconterais, avec les détails qui me restent, qui je fus, qui je suis et qui je serais... Peut-être aurais-je déjà eu le temps de réécrire l'Histoire d'ici là, qui sait ?"
Las de converser, j'enchainai aussitôt pour m'épargner de nouveaux monologues verbeux :
- "Mais pour l'heure, tu peux écrire que je fus durant quelques décennies le plus horrible monstre de ce royaume putride. De mon vivant j'avais déjà perdu le compte de mes innombrables victimes. J'ai allumé cent buchers et décapité cent sorciers, j'ai sacrifié cent ermites et pendu cent guérisseuses. J'ai baigné Valstad tout entier dans le sang des innocents. Une nuit, les doutes finirent par déborder et mes certitudes moururent noyées. J'ouvris enfin les yeux sur la Vérité, et voulus inverser mon œuvre... Je n'ai même pas pu sauver une personne que l'on me pendait déjà. Je n'ai même pas réussi à protéger une femme, une seule, avant que les gueux de ce village boueux ne m'immolent. A leurs yeux, je n'étais devenu le monstre qu'au moment de ma rédemption."

Dans un grincement atroce, mon armure se décomposa en une multitudes de fines lames qui se mirent très vite à virevolter au-dessus de ma tête. L'air et le bois tailladé par la tempête d'acier. D'un pas rapide, je m'avançai, passant au travers d'un étranger désemparé. Alors que, pendant un souffle, nos silhouettes s'entremêlèrent, je lui soufflai :

- Continue de chanter, Pâle-Être..."

Je m'élançai au travers des bois et des collines. La lune guidait mon chemin vers l'ouest. Vers une contrée où ma chanson vibrait avec bien plus de force... En Aehland se trouvait peut-être la flamme qui disperserait les brumes.



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Syllxeraen

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Il n'eut pas longtemps à attendre, mais la réponse ne fut certainement pas celle à laquelle il s'attendait. Sans être particulièrement déçu de la réaction, s'en doutant quelque part car une haine aussi profonde ne pouvait disparaître après seulement quelques mots, le dragon avait toutefois eut l'espoir tenace qu'une discussion puisse avoir lieu. Sinon pour changer le point de vue de la créature, au moins pour en apprendre davantage et qui sait ? Avoir l'opportunité de le guider vers une voie moins auto-destructrice. Lentement, il baissa le bras et tout aussi lentement, il perdit son sourire. Syllxeraen n'avait pas besoin de regarder autour de lui pour savoir combien ce royaume était pitoyable, ni de se rappeler combien son histoire l'avait traîné vers le bas, faisant carrément reculer sa compréhension de la magie et de la technologique de plusieurs siècle. L'obscurantisme était à déplorer pour tout cela, fortement influencé par la religion et les désirs mortels, mais justement parce que Skaldr se révélait être plein de potentiel, d'être capable de changer les choses, le dragon avait cru être en mesure de l'épauler.

A tort.

Fermant à demi les yeux et retenant un soupir d'exaspération, il secoua doucement la tête de droite et de gauche, signifiant par ce geste et son silence borné combien sa désapprobation était profonde quant aux paroles du spectre. Sa vision du monde était bien trop sombre, trop biaisée par des souffrances personnelles, pour avoir la moindre légitimité dans ses actions de guide et de salut pour le peuple de Valstad. Une situation que Skaldr semblait saisir confusément, sans parvenir à en déchiffrer la solution, le poussant alors à une recherche plus poussée des moyens nécessaires à l'aboutissement de ses objectifs. Et pour cela, seule une quête pour se découvrir soit-même semblait de mise pour la créature éthérée et malgré toutes les bonnes intentions du dragon à son égard, Syll' ne pourrait l'accompagner. Déjà parce qu'il en avait pas le temps lui-même, parce que le fantôme ne semblait pas quérir sa présence, mais par dessus tout ; parce que ce genre de quête devait se faire seule ou elle perdrait tout son sens.

"- Nous nous reverrons... et j'espère que vous aurez trouvé d'ici là cette paix et cette vérité que vous pourchassez sans vous l'avouer."

Pour le meilleur, comme pour le pire. Leur prochaine rencontre se ferait sous l'auspice d'une main tendue de sa part pour l'aider à franchir le dernier pas de son élévation spirituelle dans le schéma du grand Équilibre ou bien elle se ferait sous le couperet d'une sentence pour le monstre qu'il serait devenu après le massacre dont il avait fais brièvement mention. Il l'écouta conter les bribes de son histoire, se jurant de les consigner dignement comme il avait espéré pouvoir le faire tantôt. A présent, il comprenait mieux les tourments que vivait Skaldr dans sa non-mort, combien les regrets pouvaient tourmenter cette âme et tordre ses intentions de la plus laide des façons. Mais cela ne validait pas, à ses yeux, les crimes qu'il avait commis toutes ces décades passées. Une telle souffrance devait servir à éduquer les ignorants, pas à les punir... mais cette discussion n'aurait jamais lieu.

Skaldr en avait terminé avec leur rencontre, las de pinailler sur les mots, de perdre un temps précieux malgré une immortalité, il démembra son armure et fonça sur lui de sa seule forme spectrale. Fermant les yeux à l'impacte éthéré, le corps étreint d'une froideur irréelle, faite de magie sombre et d'essence tourmenté, le dragon entendit la voix désincarnée lui murmurer au creux de l'oreille et ne pu s'empêcher de sourire. Lentement, sans se presser, il tourna les talons pour regarder en direction de la silhouette cadavérique. Feu follet dans la campagne humide et stagnante, elle fonçait sur les collines et ses denses forêts. Aurait-il pu se transformer en dragon et le poursuivre sans mal, il n'en fit toutefois rien. Laissant la lueur pâle de la lune caresser son visage, il souffla à son tour dans le vent glacé :

"- Continue de chanter... Ce n'est pas une si mauvaise idée."

Avec un sourire âpre, il baissa les yeux une dernière fois sur les crêtes mamelonnée et se détourna pour rejoindre son campement. Valstad lui avait livré les secrets qu'il recherchait et n'avait pour l'heure, plus rien à lui apprendre. Il ne lui restait qu'à observer de loin cet endroit et surtout en informer les dragons qui veillaient la région afin que le fantôme soit surveiller étroitement.

FIN.
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